Troubles digestifs chez les coureurs : comprendre, prévenir, agir
Les troubles digestifs chez les coureurs sont une problématique fréquente mais encore trop peu abordée. Ils touchent aussi bien les sportifs occasionnels que les athlètes aguerris, et peuvent nuire significativement à la performance et au confort. Comprendre les mécanismes en jeu permet d’adopter une stratégie de prévention adaptée, sans pour autant renoncer à la pratique de la course à pied.
Introduction : entre passion du sport et contraintes digestives
La course à pied est aujourd’hui l’une des pratiques sportives les plus populaires, plébiscitée pour ses nombreux bénéfices : santé cardiovasculaire, gestion du poids, réduction du stress, amélioration du sommeil… Pourtant, une proportion significative de coureurs, qu’ils soient amateurs ou confirmés, fait face à une réalité beaucoup moins abordée : les troubles digestifs chez les coureurs (TGI) liés à l’effort.
Dans certaines études, jusqu’à 90 % des coureurs rapportent avoir déjà souffert de douleurs abdominales, de nausées, de reflux ou encore de diarrhées au cours ou après une course. Si ces symptômes peuvent paraître bénins, ils peuvent aussi être un frein réel à la pratique, voire un signal d’alerte pour une prise en charge médicale adaptée. Nous allons dans cet article essayer d’en comprendre les causes, de proposer des outils de prévention, et de rappeler l’importance de ne pas banaliser ces troubles.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes
Selon une synthèse récente parue dans le BMJ Open Sport & Exercise Medicine, entre 30 % et 90 % des coureurs rapportent des TGI liés à leur pratique.
50 % des coureurs souffriraient de reflux gastro-oesophagien
56 % à 71 % rapporteraient des épisodes de diarrhée
2/3 décrivent des douleurs abdominales de type point de côté. Les causes exactes du point de côté ne sont pas encore connues à ce jour. Les deux principales hypothèses sont les suivantes :
crampe musculaire du diaphragme, due à un défaut d’oxygénation lors de l’exercice physique ;
douleur liée à la traction exercée, pendant l’exercice physique, par les organes abdominaux (foie, estomac, rate) sur les ligaments qui les lient au diaphragme. Les nausées, vomissements et ballonnements sont fréquemment rapportés, notamment dans les efforts prolongés ou intenses
Mais d’autres hypothèses ont aussi été avancées comme la pression des gaz issus de la fermentation dans le tube digestif, mobilisés lors de l’effort.
Ces symptômes, bien que fréquents, ne doivent pas être considérés comme normaux ou acceptables par défaut.
Mécanismes des troubles digestifs chez les coureurs : pourquoi l'intestin réagit ?
Plusieurs hypothèses médicales ont été avancées pour expliquer l’apparition de ces troubles digestifs chez les coureurs :
1. Diminution du flux sanguin digestif
Durant l’effort, l’organisme redirige le sang vers les muscles et la peau pour favoriser la performance et la thermorégulation. Cette redistribution entraîne une ischémie relative des organes digestifs, favorisant l’inflammation de la muqueuse et les troubles digestifs.
2. Hyperactivation du système nerveux sympathique
Le stress lié à l’effort augmente l’activité du système nerveux sympathique, ce qui ralentit la vidange gastrique et peut entraîner nausées, reflux ou douleurs abdominales.
3. Effet mécanique
La course implique un impact répété sur l’abdomen (« secousses digestives »), ce qui accentue les douleurs ou la stimulation du transit.
4. Alimentation et hydratation
Une nutrition inadaptée (riche en fibres, graisses, FODMAP (Fermentable Oligosaccharides Disaccharides Monosaccharides And Polyols; qui sont présents notamment dans les produits laitiers), boissons hyperosmotiques) ralentit la digestion et peut être source de fermentations, douleurs, et troubles du transit.
Troubles digestifs chez les coureurs : symptômes hauts et bas
Troubles digestifs hauts
Reflux gastro-oesophagien : sensation de brûlure, régurgitation acide
Nausées / vomissements : souvent liés à un effort intense ou prolongé
Gastrite / ulcère : en lien avec la prise répétée d’AINS chez les sportifs type IBUPROFENE, NAPROXENE …
Troubles digestifs bas
Douleurs abdominales (point de côté, crampes)
Ballonnements, flatulences
Diarrhée du coureur : fréquente, parfois accompagnée d’urgence défécatoire
Troubles digestifs chez les coureurs : symptômes hauts et bas
Ces troubles ne sont pas qu’un inconfort passager. Chez 23 % à 35 % des coureurs, ils perturbent voire interrompent l’entraînement. En compétition, jusqu’à 9 % déclarent avoir dû gérer ces symptômes en course. Les femmes semblent plus souvent concernées, possiblement du fait d’une sensibilité digestive accrue ou d’effets hormonaux.
Prévenir les troubles digestifs chez les coureurs : les bons réflexes
1. Adapter son alimentation
Éviter les repas riches en fibres, graisses, ou FODMAPs avant la course (listes facilement disponibles sur internet)
Limiter les produits laitiers, les jus de fruits, les boissons à forte osmolarité
Privilégier une alimentation digeste, testée à l’entraînement lors des sorties longues, afin d’anticiper les réactions digestives possibles le jour de la course : riz blanc, banane mûre, compote de pommes, blanc de poulet, patate douce, pain blanc grillé, galettes de riz, eau faiblement minéralisée
Éviter les AINS en automédication avant les compétitions
2. Optimiser son hydratation pour protéger le tube digestif
S’hydrater avant, pendant et après l’effort
Privilégier les boissons isotoniques à faible osmolarité
3. Gérer l'intensité de l'effort et la charge mentale
Adapter l’intensité de l’entraînement à son niveau de forme et éviter les montées brutales en charge permet de limiter les perturbations digestives induites par le stress physiologique. L’ajout de techniques de gestion du stress (cohérence cardiaque, respiration abdominale, relaxation guidée) peut réduire l’activation excessive du système nerveux sympathique, impliquée dans le ralentissement de la digestion. Il est également important d’éviter l’entraînement à jeun si celui-ci génère des troubles digestifs récurrents.
4. Connaître son corps
Identifier les aliments ou comportements qui déclenchent les symptômes
Tenir un carnet alimentaire et de symptômes pour ajuster (TRES IMPORTANT)
Troubles digestifs persistants chez les coureurs : quand consulter ?
Il ne faut pas hésiter à consulter votre médecin de famille en cas :
d’épisodes digestifs fréquents ou invalidants
de perte de poids, de sang dans les selles, ou d’altération de l’état général
Des examens (bilan sanguin, échographie, endoscopie) peuvent être nécessaires pour écarter une pathologie digestive.
Course à pied et intestin irritable : incompatibles ?
Non. Au contraire, une activité physique régulière, adaptée, améliore souvent les symptômes du syndrome de l’intestin irritable. À condition de respecter les conseils diététiques, de progresser par paliers, et de gérer le stress associé.
Pour approfondir sur ce sujet : The impact of running on gastrointestinal symptoms in patients with irritable bowel syndrome. Neurogastroenterol Motil. 2024 Jan;36(1):e14707.
Conclusion
Les troubles digestifs chez les coureurs liés à la course à pied sont fréquents mais pas une fatalité. Une approche individualisée, préventive, et attentive aux signes du corps permet de mieux adapter la pratique sportive aux sensibilités digestives de chacun. Courir doit rester un plaisir, pas une source de souffrance digestive.
Optimiser son alimentation, son hydratation et son rythme d’entraînement permet de préserver les bienfaits du sport tout en limitant les effets secondaires. La course à pied est un allié de la santé, à condition de savoir composer intelligemment avec son appareil digestif.
Dr Yves H. (médecin urgentiste)

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